jeudi 12 septembre 2013

Non mais Oui

©MollyAlias.
Cours Julien, Marseille.


On parle beaucoup du "non" dans le social, peut-être plus particulièrement dans la protection de l'enfance, et d'autant plus dans la protection judiciaire de la jeunesse (parce que bon, ils ont fait des conneries bêtises infractions ces minots adolescents alors faut que les adultes leur disent NON à tout, à rien, tout le temps). 

Mais dire "non", ça veut dire quoi?
Et pour les gens à qui on dit "non", ça veut dire quoi?

Je n'ai pas fait de recherche biblio pour cet article - shame on me - je voulais juste DIRE ces jeunes qui m'ont parlé du "non" de l'adulte et de leur façon de le vivre.



Le "non" est souvent assimilé à des réponses violentes de la part des jeunes, ne supportant pas la frustration ("d'abord t'es pas ma mère t'as rien à me dire" ... Ouais pas faux mais faux quand même); en tant qu'éducateur travaillant avec des ados nous l'assimilons souvent du côté du passage à l'acte du jeune.
Pas mal de jeunes que nous accueillons sur notre service ont pu être à un moment de leur vie très agressifs voire violents verbalement et physiquement envers les éducs (oui, tu sais, les éducs, cette race à part quand tu as entre 14 et 20 ans et que tu es placé).

Cette question me torture le cerveau assez souvent, le "non" étant quelque chose de compliqué pour moi. Mes collègues disent de moi que je ne suis pas cadrante mais contenante. J'ai pas encore bien compris ce que cela voulait dire, si tu as une idée, éclaire-moi!
Le "non" me pose des questions, sur le rapport d'autorité, de pouvoir que tu infliges à l'autre. Sur la façon dont l'autre te laisse avoir cette importance dans sa vie, d'accepter le "non", ou de le refuser.

J'ai des difficultés à dire "non" et juste "non" parce que je n'y vois pas le sens. Mais ça m'arrive, quand même quand je sais (ou du moins je pense, parce qu'on ne sait jamais rien) être dans le juste.


Alors j'en parle aux jeunes de ce "non". Parce que je me demande toujours, et à chaque fois, ce qui fait qu'à certains moments, ils acceptent et adhèrent à ce "non" et la place qu'ils nous donnent par conséquence.

H. m'a dit il y a quelques semaines que les seuls adultes qui comptaient pour elle et en qui elle avait confiance étaient ceux qui lui avaient dit "non" quand elle se mettait en danger parce que "même si je les ai insultés, je les ai frappés, ils ont continué à me dire Non, et c'est normal, ils pouvaient pas me dire Oui quand je faisais n'importe quoi, c'est normal quoi, et ils ont toujours été là, même si j'ai fait teubé (NB: n'importe quoi) après".

K. nous disait aujourd'hui "cet éducateur toutes les filles elles l'aimaient, parce qu'il savait comment nous parler, mais quand il disait Non on savait que c'était Non, parce que il savait parler avec nous, et quand il disait Non, c'était pour nous".

Ces jeunes, violents, insultants, arrogants, criants de vie, te disent à toi adulte, dis-moi NON, mais dis-moi NON au bon moment, dis-moi NON quand c'est pour moi, pas quand c'est pour ton inquiétude juste à toi, dis-moi NON quand je fais vraiment teubé et que c'est dangereux pour moi, dis-moi NON parce que tu t'intéresses à moi en tant que personne et pas seulement en tant qu'usager de service social, dis-moi NON parce que je suis un humain et toi aussi.


En tout cas, moi, c'est comme ça que je le comprends (mais peut-être que je me trompe?).


7 commentaires:

  1. Valable de 7 à 77ans....et peut être même de 2 à 99 ans!!! ;) et valable aussi a 100 000% à l'école, à la maison.....

    RépondreSupprimer
  2. Des humains avec des humains ;-)

    RépondreSupprimer
  3. En tant qu'éduc... tu sens qu'un NON juste est facile à dire... non?
    Peut être que c'est une des solutions aux situations difficiles que tu rencontres : développer ton ressenti du "est-ce que si je dis 'non' maintenant, je me sens bien?"

    Pfiou...

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Sad.
    Je ne comprends pas votre commentaire.
    Le non est difficile à dire car il met en jeu la légitimité que le jeune nous accorde. Et du coup sa capacité à l'entendre.
    Il ne s'agit pas du tout de savoir si moi je me sens bien mais du lien créé avec le jeune qui permet de dire un non qui a du sens.

    RépondreSupprimer
  5. Le Non était aussi compliqué pour moi. Il n'est pas naturel car à chaque fois quand je vois le gamin, j'ai la background la situation dans la tête e je me dis qu'après ce qu'ils ont subi, ils ont droit à un peu de privilège. Mais l'expérience m'a montré que ce non, ce cadre était pour les jeunes un facteur de sécurisation et quand à une question de leur part j'ai à répondre oui ou non chaque fois je me pose la question : qu'est-ce qui est le plus sécurisant pour lui ? La frustration va-t-elle être un facteur positif ou négatif. Il est difficile de se dire que ponctuellement nous pouvons (devons?) les mettre à mal, j'ai galéré avec ça mais la bientraitance passe aussi par els confronter à la frustration dans certains moments car le cadre que l'ont construit n'est jamais ponctuel nous travaillons dans l'instant pour essayer construire du long terme chez lui/elle. Le non c'est aussi la bientraitance, bien souvent ce non est ce qui peut leur manquer pour se sentir sécuriser même si dans un premier temps il les frustre. C'est en pensant comme ça que j'ai réussi à passer outre ma difficulté de dire non ;)

    RépondreSupprimer
  6. Et je rajoute que pour que le non soit compris. Il faut qu'il soit "légitimé" par tout notre positionnement avec le jeune. Ce qui implique tout le taf en amont dans la relation éducative, la considération, le regard porté. Bref la force du Non c'est pas juste répondre à la question et comme le dit si bien K, c'est que quand on leur dit non ils comprennent d'office pourquoi c'est non :)

    RépondreSupprimer