vendredi 9 août 2013

La subsidiarité de la justice ... Ou des parents?






La semaine dernière j'ai eu une assistante sociale au téléphone. Elle venait se présenter et me dire qu'elle serait la référente sociale de M. 
Je lui explique donc comment le jeune est arrivé dans notre service, là où il en est aujourd'hui et les relations avec la famille.



Et là, elle me pose LA question: "Mais pourquoi est-ce un accueil judiciaire (NB: c'est-à-dire prononcé par le juge des enfants) et pas un accueil provisoire (NB: contrat d'accueil signé entre la famille et l'ASE) vu la bonne volonté et la coopération des parents?"
Heu... Bonne question... Ou pas en fait. 
En 5 ans, je n'ai vu qu'un seul accueil administratif et il fut de courte durée.
On ne place pas les enfants comme ça ma bonne dame!
Cette AS devait sans doute sortir de formation depuis peu et avait encore toutes ses belles idées sur la subsidiarité de la justice concernant le placement des enfants et le travail pas fait avec les familles par les services de l'ASE.


Petit point juridique:

La loi du 5 mars 2007 a apporté une notion importante touchant directement la protection de l'enfance en énonçant le principe de la subsidiarité de la justice, la compétence première étant dorénavant donnée au seul département (Aide Sociale à l'Enfance) pour recueillir traiter et évaluer toute information préoccupante concernant un mineur en danger ou risquant de l'être.

Va voir l'article L226-4 du CASF, il a été créé avec la loi du 5 mars 2007.



Article L226-4 du CASF



Si tu as lu l'article L226-4 du CASF, tu vois donc que ce n'est que dans ces cas-là que le procureur de la République (et le juge des enfants ensuite) doit être saisi: 
* quand les actions ci-dessous ont déjà été menées:
- aide à domicile (AED), 
- accueil du mineur par l'ASE en journée avec soutien à la parentalité,
-  ou quand le mineur a déjà été accueilli en institution dans le cadre d'une mesure administrative 
* quand la famille refuse l'intervention de l'ASE ou 
* quand il est impossible d'évaluer la situation.



Cette mesure a été prise pour permettre aux travailleurs sociaux des MDS d'accompagner les parents dans leur rôle (mesure d'AED, Aide éducative à Domicile) et de solliciter leur consentement en cas de placement nécessaire (Placement Administratif).


En cas de non consentement de la famille, ou dans les autres cas ci-dessus, il est toujours possible d'interpeler le procureur de la République.



Pourtant, dans les Bouches-du-Rhône, en 2009, concernant l'accompagnement à la parentalité au domicile, 93% des mesures sont des AEMO (Assistance éducative en milieu ouvert, prononcées par le juge des enfants) et 7% sont des AED (mesures administratives appartenant à l'ASE).


De plus, 40% des informations préoccupantes donnent lieu à une transmission de demande de protection judiciaire directement.
(Source: schéma départemental de la protection de l'enfance des Bouches-du-Rhône => ici)

Alors je me questionne, repensant à ces jeunes et ces familles que j'ai rencontrés, sans jamais vraiment me poser la question de savoir si le juge des enfants avait sa place dans ce placement, et je me dis qu'il y a un problème.
Beaucoup de jeunes pour qui j'ai eu des contacts avec leur famille auraient pu être pris en charge et accompagnés dans le cadre d'une mesure administrative d'accueil provisoire.
C'est-à-dire avec soutien à la parentalité pour la famille et accompagnement renforcé de la part de l'ASE. 
Et accord des parents.
Très rares sont les situations qui rentraient dans les exceptions permettant la saisine du procureur de la République de l'article L226-4 du CASF.

En effet, de nombreuses familles sont en lien avec les services qui accueillent leurs enfants et nous essayons de restaurer les liens entre les parents et les enfants. (J'ai bien dit "de nombreuses familles", pas toutes, on est bien d'accord).



Et plus j'y pense, plus ces aberrations m'apparaissent réalité.
Ce qui m'interpelle ici c'est la place des travailleurs sociaux face aux parents qu'on déresponsabilise dans le placement de leurs enfants.
On ne leur permet plus d'être acteur et partie prenante de ce qu'il se passe dans leur famille, on attend seulement que le juge des enfants décide et on applique la loi.



Et finalement,  je me demande si l'accord des parents est vraiment recherché dans ces procédures. S'ils sont vraiment accompagnés dans ce tourbillon administratif, et si parfois, on ne saisit pas le juge des enfants par facilité. Pour ne pas avoir à expliquer, pour ne pas avoir à accompagner, à parler, à dire la réalité, pour ne pas avoir à prendre de décision. Pour que la Justice, impersonnelle et sans visage, prenne le pas sur l'accompagnement.




Cet article me soulève beaucoup d'autres questions: je parlerai sur ce blog plus tard de la question de la parentalité, ainsi que des incohérences entre ces placements judiciaires et ces accueils provisoires (placements administratifs).
Et encore plein d'autres choses ! (je me suis fait une liste)




Molly.











1 commentaire:

  1. une piste selon moi la dificulté de proposer un "accompagnement " en bossant en mds vu le contexte actuel

    RépondreSupprimer