mercredi 26 février 2014

Faisons synthétique...

©MollyAlias.
Marseille.



Voilà bien longtemps que je n'ai pas écrit.. La flemme? Peut-être un peu. Le manque de temps? Un peu aussi. Et puis l'envie de décrocher parfois. De ne plus y penser. De me voiler un peu la face et de replonger dans le monde magique des Bisounours imaginaires.

Mais quand même, ça te titille toujours un petit coin du cerveau.

Alors tu vois aujourd'hui, je vais te faire partager ce coup de gueule que j'ai passé hier en direct live sur facebook.
Enfin, pour commencer. 
Et puis je vais dire mon indignation, comme souvent.
Mais je ne pourrais pas enlever ce sentiment d'impuissance, d'incompréhension, de truc qui tourne vraiment pas rond.



Cette maman qui attend pour participer à la synthèse concernant son fils (petit bonhomme de 2 ans, placé en famille d'accueil me dit-elle).
Elle avait rendez vous à 10h. Elle était à l'heure. Maintenant il est 10h30. On lui dit qu' "ils" sont en retard.
C'est son jour de visite avec son enfant.
Tout ce temps qu'elle passe dans la salle d'attente, elle ne le passe pas avec son enfant.
Elle le dit. Elle dit qu'elle ne va pas s'énerver.
Elle dit que si elle, elle avait été en retard, on lui aurait dit de revenir la semaine prochaine, on lui aurait dit que c'était une mauvaise mère.
Et là il est 10h35.
Et cette dame est toujours dans la salle d'attente.
"Ils" sont en retard.

Pour finir "ils" avaient 50 minutes de retard...

On peut m'objecter qu'"ils" manquent de moyens, de personnels, de locaux, de temps, mais ça ne justifiera jamais pour moi la discrimination et la dichotomie flagrantes entre ceux qui travaillent dans le social et ceux qu'on appelle les usagers.
Les usagers doivent être parfaits, la lampe torche de l’État est pointée sur eux. 
Ne dis pas que l'erreur est humaine. Ou alors oui, elle est humaine, mais je me demande alors si les usagers sont vraiment considérés comme des humains...
(Et puis d'abord, ce terme USAGERS, c'est pouark. Ils ne font pas usage d'autres personnes. Et ils ne sont pas périmés non plus. L'être humain n'a pas de DLC (NB: Date Limite de Consommation). Enfin, bon, là je m'égare). 

On ne peut pas me dire que les travailleurs sociaux, supérieurs-chefs et assimilés, référents de la situation, ne savaient pas que c'était le jour de sortie de la mère et son enfant (sinon cela relèverait presque de la faute professionnelle, étant donné que ces personnes sont en charge des droits de sortie et d'hébergement).
On ne peut pas me dire qu'ils n'auraient pas pu le faire un autre jour.
On ne peut pas me dire que si la maman avait eu 50 minutes de retard (même avec une raison valable), "ils" l'auraient accueilli avec un "c'est pas grave Madame, ça peut arriver".
Ne me fais pas croire cela, je côtoie trop de "ils" dans mon métier pour savoir que c'est faux.

Bon la suite, ça a été le pompon. 
Parce qu'en fait, moi, j'étais là pour une synthèse concernant M.

La maman sort de la synthèse, elle a le sourire et va retrouver son enfant dans une autre salle de la MDS (mais comme j'étais loin de Marseille, ça ne s'appelait pas une MDS. Quand tu sors du département, tu découvres qu'en fait ailleurs c'est pas pareil!).

Pour commencer cette synthèse (celle concernant M.), d'abord, les parents de M. n'avaient pas été conviés (fait qui a été remis en doute à plusieurs reprises par "ils"), ni M. d'ailleurs.

Pour te le faire synthétique (ce qui est le propre d'une synthèse, ou pas), "ils" m'ont expliqué que le projet et le lien éducatif ne justifieraient pas la prise en charge au-delà de la majorité.
Que ça coûtait cher. Qu'il ne fallait pas envisager un contrat jeune majeur (dans 4 mois...). Parce que c'est vrai, M. il n'a qu'à retourner dans cette famille dont il a été retiré par le juge des enfants il y a deux ans (faudra qu'on m'explique ce qu'on entend vraiment par Protection de l'Enfance, moi je comprends plus trop). 
Comme ça, dans 4 mois. Alors qu'il vient de commencer une formation, qu'il est vraiment en lien avec les éducateurs, qu'il se pose, qu'il essaie d'arrêter de faire des conneries et de s'embrumer la tête H24. Parce qu'il coûte trop cher.
(Petit aparté: je ne suis pas certaine que M. coûtera moins cher à la société une fois mis à la rue, dans l'obligation de recommencer ses conneries pour tenir, pour finir incarcéré. Je ne suis vraiment pas sûre que cela coûtera moins cher aux contribuables, mais bon...).


Alors je mélange beaucoup de choses dans cet article. Mais il y a quelque chose de criant, d'évident, qui me saute aux yeux dans toutes ces situations: "ils" ont le pouvoir. "Ils" sont soumis à des contraintes budgétaires et temporelles strictes et rigides, je l'entends. Mais il n'y a personne qui s'insurge, se questionne, contourne, bidouille, cherche, réfléchit. 
Je sais que je ne règle rien avec ces récriminations, que ce peut être lu et entendu comme une simple (con)plainte. Je parle seulement de ma frustration face à ces situations qui m'apparaissent surréalistes.
Je ne détiens pas de vérité, je rêve juste d'un monde idyllique dans lequel nous travaillerions tous mains dans les mains, pour permettre à chaque personne de se subjectiver, de n'être plus objet de la vie mais sujet de sa vie.


"C'est dans les utopies d'aujourd'hui que sont les solutions de demain". 

Pierre RABHI.   

 

 

12 commentaires:

  1. En réponse à tes interrogations sur le "à quoi sert ma (con)plainte"? ...
    Un conte africain....
    "Dans une grande forêt, vivait un petit colibri. Avec lui, dans cette forêt, vivaient de nombreux autres animaux : des éléphants, des fauves, des singes… La forêt était belle et assez vaste pour tout le monde.
    Un jour, la forêt prit feu. Très vite, les flammes se propagèrent partout , la dévorant impitoyablement. Les animaux, pétrifiés, regardaient, tous rassemblés a la lisière, leur monde brûler. Pas un ne bougeait.
    Pas un, sauf le colibri. Voyant cela, il vola très vite jusqu’a la rivière, prit une goutte d’eau dans son bec, et vola la jeter sur le feu. Puis retourna a la rivière pour chercher une autre goutte. Puis une autre, puis une autre.
    Ni l’éléphant avec sa trompe, ni tous les autres grands animaux avec leur force ne l’aidaient, ils restaient immobiles a regarder le feu. Alors que le petit colibri faisait un enième voyage, l’éléphant haussa les épaules et lui dit :
    "C’est inutile, tu es trop petit, tu ne pourras pas éteindre le feu avec juste quelques gouttes d’eau".
    "Peut-être, répondit le colibri. Mais je préfère faire du mieux que je peux, plutôt que de regarder notre forêt bruler sans rien faire". Et il repartit vers la rivière".

    Ma Molly... tu es, nous sommes... ces colibris ;-)

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    1. L'histoire du Colibri... Zaz, la chanteuse, l'a racontre lors de ses concerts, lors de sa dernière tournée... et je trouve que cette histoire doit etre partagée :) Nous sommes tous des colibris.

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    2. Chaque pierre apportée est une pierre de plus :-)

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  2. Bonsoir, je viens de tomber sur ton blog et ton coup de gueule qui à la fois m'insurge comme à chaque fois que je l'entend et me rassure me disant que je ne suis pas le seul râleur.
    Molly, Chacha comme quoi on se rejoint vous citez Pierre Rabhi bien que le conte n'est pas de lui il me semble mais il le cite souvent.
    Toff

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  3. Bonjour,
    Je viens de découvrir votre blog...et franchement vos écrits sont touchants, criants de vérité, et empreint d'un humour corrosif : j'aime !
    Et pourtant...
    Et pourtant,je fait partie de ces "ils". Référent ASE, loin de Marseilles, dans le nord près de Lille...
    Je voudrais juste dire, et ca n'engage que moi, mais chaque jour je m'emploie à être au service de l'Autre, dans l'accueil et dans l'accompagnement. Avec mes moyens, avec mes limites, avec ma sensibilité...mais surtout avec la volonté de considérer, de ne pas juger, d'être dans l'humanité, et surtout dans la dignité.
    Voilà, c'est juste une réaction à vif.
    Il y a tant à dire...
    ha si, je voulais aussi dire combien je me bat au quotidien pour ces enfants qui vivent avec cette étiquette : "môme de l'ASE"....
    Soyez encouragé !

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    1. Heureusement il y a des "ils" comme vous!! Mais malheureusement je n'en côtoie que trop peu... Peut-être le soleil du Sud qui fait son effet?! ;-)

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  4. Une petite anecdote: Durant 3 années dans un même foyer, puis placé en "appartement autonomie" à 15 ans, j'avais réussi une scolarité brillante. Tout ceci tenait avec ce que j'avais pu mettre en place, les liens que je m'étais créé, les repères que j'avais, etc...Et puis un jour, j'apprends que la structure va fermer. Rien de bien surprenant, l'atmosphère de travail oscillait entre les frasques de Sade et la maltraitance institutionnelle. On m'assure que je vais rester là où je suis, que rien ne va changer. Je doute. Pendant les 6 mois qui précèdent la fermeture, j'ai cette angoisse. Où pourrait-on m'envoyer tel un objet? Et puis, on m'annonce, "dans une semaine, tu dois avoir emballé tes affaires, tu vas aller dans une structure de semie-autonomie". Mon petit "mais' d'abjection aura vite été renvoyer avec un "c'est comme ça, tu peux aussi mettre fin à ta prise si ça te plait pas". J'ai opposé ma resistance; je n'ai pas préparé mes affaires. Et puis, un éducateur inconnu est venu dans une clio avec 3 autres gamins me chercher, moi et mes affaires (je rappelle que j'habitais un appartement et que je m'étais un petit peu équipé). Le monsieur est arrivé, ne s'est pas présenté, s'est saisi des affaires et m'a plus que vivement conseillé de me dépêcher. J'enrageais. Beaucoup de mes affaires ont dû rester là-bas, ma dignité avec...J'y suis donc allé. Et tout dégringolait devant mes yeux, ma scolarité si précieuse,....je n'avais plus rien si je n'avais pas ça. Tous mes repères, plus rien. Juste un lieux sordide, des appartements vides ponctués des visites surprises genre maton des éducateurs en mal d'une découverte frauduleuse qui pourrait faire l'objet d'un écrit dans le cahier.
    Avec le recul, je pense que j'ai dû faire une dépression. Je n'allais pas bien du tout, je cherchais par tous les moyens à retourner là où j'habitais avant, à retrouver mes repères.
    Mes notes désastreuses n'étaient, selon eux, uniquement dû à mon manque de travail. Et pourtant, j'essayais bien, de travailler, mais avec ce vacarme, leur aller-retour suspicieux, il me fallait attendre qu'ils soient endormis pour me mettre à bosser. Le lendemain, je dormais en classe.
    C'était un mardi,on m'a dit "puisque tu n'en a rien à faire de ta scolarité, ta prise en charge s'arrête vendredi." Je me suis donc retrouvé à la rue le vendredi avec dans mon sac mes bulletins de notes désastreux. Et rien.
    Heureusement, mon ancien CPE, qui savait ma situation et ce que vallait m'a proposé l'hébergement pour que je puisse passer mon bac sereinement, logé. Après, j'ai travaillé pendant mes études... Maintenant, je me dis qu'heureusement que ça a pris fin, je n'aurais sans doute pas réussi avec leur "aide".
    Quelle bande de......; (à compléter avec ce que bon vous semble.)!

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    1. ....Cons!
      Encore des "éducateurs" qui ne se rendent pas compte du mal qu'ils font en usant et abusant du prétendu pouvoir que leur situation met à disposition!
      Il est tellement plus facile de donner des ordres alors qu'écouter et accompagner prend plus de temps et fout mal à l'aise parfois.

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  5. Anecdote trop souvent banale finalement.
    Des logiques institutionnelles déshumanisées où se perd le sens de ce que l'on fait auprès des personnes accueillies...
    Je suis quand même très choquée par la façon dont votre prise en charge a pris fin.
    Je sais que chaque structures et chaque départements ont leurs propres fonctionnements (notamment concernant les contrats jeunes majeurs), mais ça me semble tellement aberrant d'arrêter une prise en charge sur des motifs scolaires et de mauvaises notes...
    Pour le jeune dont il est question dans cet article, mes collègues et moi avons remué tout le dispositif institutionnel pour trouver une solution. Et nous l'avons trouvée!
    M. sera donc accompagné au-delà de sa majorité quoi qu'il arrive.
    Enfin, non, pas "quoi qu'il arrive". Parce qu'il arrive qu'une prise en charge prenne fin.
    Deux motifs possibles: non adhésion du jeune et incarcération. C'est tout.

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  6. Ils étaient beaucoup dans la spontanéité car ils se laissaient déborder souvent. Aussi, ils échafaudaient un plan et, quand cela aboutissait, ils en avertissait la personne concernée. Trop tard bien sur. Mais tout ces façons de faire allaient avec l'ambiance de paranoïa qui régnait, ça complotait, comme si en face, les gamins aussi fomentaient des stratégies. Le mot "manipulation" revenait de façon cyclique, c'était dingue!
    Quand j'ai demandé à en savoir plus, j'ai appris qu'ils avaient construit tout un scénario expliquant ma chute scolaire, qu'ils avaient déjà l'idée des dispositions à prendre. En fait, pour eux, j'étais rien de plus qu'une gamine qui avait trouvé moyen d'échapper à l'école (alors que j'adorais ça!), mon manque d'entrain et de "sourires" (véridique) était probablement dû à la prise de stupéfiants, et ils appuyaient cette hypothèse avec ma fatigue permanente. De plus, comme je ne me "confiais" pas, ils ne voyaient pas d'intérêt à continuer avec moi! Et paf!

    Un autre matin, c'est un gamin qu'on n'a pas retrouvé au levé. On a appris qu'ils l'avaient emmené dans la nuit pour un départ forcé vers la légion étrangère. Comme ça.
    Le coup d'éclat, le théatralisme, tout y était! L'hystérie dans toute sa splendeur!

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    1. Je suis jeune éduc, et ca me fait pas mal flipper de lire ca... Je concois pas mon travail comme ca...c'est pas possible!

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    2. Il y a le pire comme le meilleur dans le travail social, comme dans l'humanité.
      Parfois on a l'impression de se battre contre des moulins à vents... Mais il faut continuer!!

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